vendredi 26 février 2016

Bibliographie de Claude Jeancolas

 
 
 
Voici une bibliographie des publications consacrées à Rimbaud par de Claude Jeancolas qui se veut la plus exhaustive possible.
Nous n'avons retenu que les livres traitant de Rimbaud ce qui constitue la majorité des écrits de Claude Jeancolas.  
Si toutefois il en manquait, veuillez-bien nous écrire pour que nous puissions compléter cette liste.

Un extrait de la fiche Wikipedia  :

C’est sous le titre « Le fou de Rimbaud » que Raphaël Sorin dans L'Express le présenta lors de la sortie en 1991 de son Dictionnaire Rimbaud. Une vocation tardive pourtant : à la suite d'un éditorial dans la revue Max qu’il dirigeait et où il avait repris une citation d’Arthur à son professeur Izambard, « Vous finirez comme un satisfait qui n'a rien fait, n'ayant rien voulu faire de votre vie », il reçut tant de courrier qu’il décida d’approfondir le sujet. Il y est toujours, publiant régulièrement ses découvertes. Sa vision de Rimbaud est très éloignée des clichés habituels du poète maudit. Pour lui, le poète est trop intelligent (le meilleur de sa classe) pour être incohérent. Ses poèmes ont toujours un sens, une logique, une mission. Rimbaud est un volontaire, obstiné. Il s’abandonne totalement à la poésie car il est certain qu’elle peut changer la vie. La "Saison en enfer" qui est une quête du salut, est aussi un essai d’écriture d’une nouvelle bible des temps modernes. La poésie n’est donc pas un but mais un moyen, un outil au service d’un idéal très spirituel et humaniste. Aussi quand il se trouve persuadé de son inefficacité, car elle est trop lente à ses espérances, il la rejette et passe à autre chose. La vision de Claude Jeancolas est très humaine et son Rimbaud avec ses rêves, ses doutes, ses colères, ses découragements et ses échecs se trouve proche des lecteurs ce qui explique le succès des publications de ce biographe auprès du grand public. Il a aussi, dans une biographie magistrale de Vitalie Rimbaud, réhabilité cette mère si décriée, démontrant l’amour fou qui l’attachait à ce fils préféré et en sens inverse la nécessité de cette mère pour que Rimbaud fut le génie que l’on connaît.


1991 
  • Les Voyages de Rimbaud, Balland, Paris, 1991


  • Le Dictionnaire Rimbaud, Balland, Paris, 1991
 1996
  • L’œuvre intégrale manuscrite de Rimbaud. Textuel. Paris

1997
  • Les Lettres manuscrites de Rimbaud. Textuel. Paris
1998
  • Lettres et poèmes de Rimbaud. L’auberge verte. Paris
  • Une saison en enfer de Rimbaud. Hachette. Paris
  • Passion Rimbaud. Textuel. Paris
1999
  • Poésies de Rimbaud. Éditions mille et une nuits. Paris

  • Rimbaud, la biographie. Flammarion. Paris


  • L’Afrique de Rimbaud. Textuel. Paris
2000
  • Rimbaud, l’œuvre. Textuel. Paris
2004
  • Vitalie Rimbaud, pour l’amour d’un fils. biographie. Flammarion

  • Rimbaud après Rimbaud, anthologie. Textuel. Paris
2005
  • Rimbaud, l'œuvre, la vie. Éditions France Loisirs

2007
  • Le regard bleu d’Arthur Rimbaud. Éditions FVW. Paris

2008
  • Le Retour à Tadjoura – l'Afrique secrète de Jean-François Deniau – FVW. Paris


2010
  • Rimbaudmania. L'éternité d'une icône. Éditions Textuel. Paris


  • Barr-Adjam   Alfred Bardey - préface de Claude Jeancolas    Éditeur : L’Archange Minotaure



     2012
  • Les Manuscrits de Rimbaud. Textuel. Paris

  • Le Nouveau dictionnaire Rimbaud. FVW édition. Paris
2014
  • Rimbaud l'Africain. Textuel. Paris




Deux images de l'exposition Rimbaudmania conçue par Claude Jeancolas



 

UN MESSAGE DE CHEHEM WATTA suite au décès de Claude Jeancolas


UN MESSAGE DE  CHEHEM WATTA conseiller technique présidence de la République Djibouti et ami de Claude Jeancolas, écrivain et voyageur, spécialiste de «  Rimbaud l’Africain », dcd dernièrement.
Alain Pouillart
Claude Jeancolas lors d’une visite à Charleville-Mézières, devant le musée Rimbaud, en octobre 2012.



J'ai reçu votre message  grâce  aux bons soins de Jean-Marc Boutonnet Trannier , qui m'a appris la mauvaise nouvelle: le décès de mon ami- je dirai frère rimbaldien, Claude Jeancolas. Je suis triste. J'avais rendu visite cet été  à mon ami malade mais combatif. J'avais reçu il y a quelques semaines, un message qui ressemblai à un adieu. 

Il s'agit d' une grande perte pour tous les gens de la Corne d'Afrique qui connaissaient aimaient énormément Claude. Du coté de Tadjourah, où il venaient régulièrement, il avait beaucoup d'amis qui m'ont fait pas de leur stupeur. Ils portent comme moi lourdement le deuil, d'un ami discret et très attaché aux relations humaines. C'est son respect de l'identité des gens de cette partie de la corne d'Afrique qui restera inoubliable et attachant.  

Lors de notre dernière rencontre, bien que se sentant très malade, il m'avait exprimé son désir d'écrire un livre sur les Afars, peuple de cette région, que Rimbaud avait connu. D'ailleurs, dans son livre, " Retour à Tadjourah" Claude parlait des Afars avec beaucoup d'amitié et surtout de talent. 

Je voudrais que vous soyez notre ambassadeur à tous pour rendre hommage à ce rimbaldien qui avait réconcilié une bonne partie des djiboutiens et éthiopiens avec Rimbaud. Oui, grâce au travail de de Claude, ce grand poète fait partie dorénavant de nous Africains de l'Est.  Il est des nôtres ! Et ce n'est pas un cliché. 

Je regrette de ne pouvoir être là ce jour mais ma pensée sera avec vous. 

Et si un jour, vous revenez sur ces rivages de la mer Rouge, n'oubliez pas de me contacter. Je serai ravi de vous accueillir.

Transmettez  s'il vous plait mes condoléances attristées aux membres de la famille de Claude, si vous les voyez en cette journée d'hommage. Je ne les connaissais pas, mais dans son livre d'une grande intimité ( le don du père), j'ai connu leur prénom. 


Bien à vous

Chehem Watta

dimanche 7 février 2016

ARTHUR RIMBAUD LES PROGRAMMATIONS SECRÈTES D’UNE GÉNÉALOGIE


 LES PROGRAMMATIONS SECRÈTES D'UNE GÉNÉALOGIE                                                                                                    
Conférence d’Anne Camus du 16 janvier 2016 
Compte rendu établi par Sylvain Delbès 



Formée à l’Analyse Transgénérationnelle, Anne Camus se consacre depuis près de 20 ans à l’étude des phénomènes de transmission de la mémoire familiale. Elle a élaboré une méthode de décryptage originale qu’elle pratique et enseigne sous le nom de Psychogénéalogie Analytique.
Sortant du cadre habituel de ses consultations privées, la thérapeute s’est intéressée à la généalogie de nombreuses figures ayant marqué notre histoire sociale, politique ou encore culturelle. S’appuyant sur des recherches approfondies et sur l’analyse rigoureuse de leur ascendance, elle a mis en évidence comment les expériences douloureuses vécues par leurs ancêtres avaient influencé leur trajectoire en trouvant un écho inconscient dans de nombreux événements de leur vie.
C’est précisément en étudiant l’ascendance paternelle d’Arthur Rimbaud -celle détenant de son point de vue les éléments les plus révélateurs- qu’Anne Camus a trouvé des indices troublants nous invitant à poser un nouveau regard sur le parcours et l’œuvre du poète.

L’ASCENDANCE PATERNELLE D’ARTHUR RIMBAUD
Les Rimbaud sont originaires de Haute-Saône où la présence de la famille est attestée dès la fin du XVIIème siècle. Gabriel Rimbaud (1680-1735), ouvrier vigneron, eut en 1730 un fils, Jean, qui va retenir notre attention puisqu’il s’agit de l’arrière-grand-père d’Arthur Rimbaud.
Jean exerça le métier de cordonnier. Devenu veuf, il épousa en secondes noces en 1777 Marguerite Brotte (1752-1829). De cette union naquit Didier (1786-1852), le grand-père d’Arthur.
Tous ceux qui se sont intéressés à la biographie du poète savent qu’à la suite d’une querelle, Jean, alors que Didier n’avait que quelques années, quitta le foyer familial pour ne plus jamais reparaître. Le traumatisme de l’abandon de famille qui se répètera à la génération d’Arthur avec le départ de son propre père alors qu’il n’était encore lui-même qu’un tout jeune enfant, a déjà fait l’objet de nombreux commentaires. Mais, ce que nous ignorions, c’est que certains des comportements singuliers observés chez le poète trouvent eux aussi leurs ferments dans ce drame vécu avant lui par son grand-père Didier.

A ce stade, plusieurs questions s’imposent : Comment Didier a-t-il vécu la fuite de son père parti un beau matin « (en) culotte (et) bonnet de nuit [...] sans bas ni habit » comme il est dit dans l’acte de notoriété établi au moment de ses noces ? Est-ce pour conjurer le souvenir de cet épisode incongru qu’il allait par la suite devenir tailleur d’habits ? Plus tragiquement, Didier Rimbaud avait-t-il imaginé ce père errant sur les routes sans ressources ? Avait-il envisagé sa mort ou était-il resté toute sa vie dans l’attente inconsciente de son retour laissant sa psyché et celle de ses héritiers pour longtemps hantée par le revenant ?
Selon les théories transgénérationnelles, l’inconscient familial, dans un contexte tel que celui-ci, peut désigner un membre de la descendance qui va s’identifier à l’ancêtre disparu et le maintenir ainsi fictivement en vie. Ce fantasme d’identification génère alors ce que l’on appelle par métaphore un « fantôme »… 
Et le porteur de ce fantôme, avance Anne Camus, n’est autre ici qu’Arthur Rimbaud.

RIMBAUD LE MARCHEUR
Abandonnant femme et enfant, Jean Rimbaud avait subitement déserté sa maison… A moitié vêtu il s’était envolé vers on ne sait quelle destination…
La marche ne lui faisait pas peur, lui, dont le métier, cordonnier, était autrefois synonyme d’itinérance. Ajoutons que l’homme était de surcroit compagnon du devoir et qu’il avait à ce titre maintes fois déjà sillonné les routes de France, le « voyage » étant le fondement même de l’identité compagnonnique.
Son arrière-petit-fils Arthur, en proie dès l’enfance à l’étrange manie de ne pas rester en place, avait on le sait, un goût addictif pour la marche à pied. Faut-il s’étonner d’avantage d’une telle bizarrerie chez celui dont le père, soldat dans l’infanterie, avait peut-être avant lui déjà, répondu par la force des choses au même besoin inconscient de marcher ?
De qui Rimbaud adolescent parle-t-il en vérité lorsqu’il évoque dans sa composition latine « Ver erat …» // « C’était le printemps.. », ses « membres fatigués par de longues errances »… Interea longis fessos erroribus artus ?
Comment ne pas relever ici au passage le rapprochement prophétique des mots « erroribus » // errances et « artus » // articulations. Ne revêt-il pas une signification troublante lorsque l’on songe à l’amputation qui allait plus tard mettre un terme définitif à ses pérégrinations ? On sait l’œuvre du poète riche d’allusions prémonitoires telles que celles-ci…
De même comment ne pas souligner l’accord phonique entre ce même mot artus et le prénom Arthur ?

Nombreux sont encore, dans les textes et les poèmes de Rimbaud, les échos renvoyant à l’aïeul Jean, cette ombre du passé. Combien de fois était-il à son tour parti « sur les routes […] sans gîte, sans habits, sans pain ». (Mauvais Sang) ?
« Je m’en allais les poings dans les poches crevées ; Mon paletot aussi devenait idéal ; » (Ma Bohème) Pour l’adolescent fugueur, le « paletot », entendre le « par-dessus », n’existe que par l’idée qu’il s’en fait… En rapprochant ces vers du souvenir de la fuite de son arrière-grand-père sans « habit » -nom que l’on donnait jadis au vêtement de dessus masculin-, ils prennent un relief des plus symboliques, argumentant le principe de résonance dans le temps d’un acte ancestral dommageable.
Un détail supplémentaire vient encore souligner l’identification de « l’homme aux semelles de vent » avec son ancêtre cordonnier. On apprend en effet que ces artisans, qui travaillaient traditionnellement sur leur genou, étaient autrefois appelés « bijoutiers sur le genou » en raison du nom « bijoux » donné aux clous dont ils ferraient les semelles… Est-ce donc un hasard si c’est précisément une tumeur du genou qui mettra un terme à la course aléatoire d’Arthur Rimbaud, questionne Anne Camus.

En Afrique orientale où l’avait mené sa soif d’exil, dans les contrées désertiques où il se sentait « condamné à errer » -ce sont ces mots-, il avait déambulé sur les cailloux brûlants jusqu’à ce qu’à ce que ses jambes ne puissent plus le porter. Jusqu’à disparaître, définitivement cette fois.
S’achevait ainsi une existence où il s’était installé dans la peine et dans la plainte permanente. Ne pourrait-on lire dans cette vie de souffrance l’accomplissement d’un châtiment ? Celui auquel il avait été condamné pour une faute qu’il n’avait pas commise ?... Didier l’enfant abandonné aurait-il tenu pour coupable son père qui s’était enfui ?
Arthur Rimbaud avait pourtant espéré pouvoir un jour se reposer, « trouver une famille, et avoir au moins un fils » évoquant plus loin sa crainte de « disparaître, au milieu de ces peuplades, sans que la nouvelle en ressorte jamais. » (lettre à sa famille - mai 83). Pourquoi s’était-il mis en situation de finir en effet son existence si loin des siens ? Pourquoi avait-t-il eu besoin d’imaginer qu’il pouvait mourir sans que jamais personne n’en sache rien si ce n’est pour faire écho à un passé familial douloureux ?
Où, quand et comment Jean Rimbaud était-il mort ? Personne ne l’a su…
Sans preuve de son décès, sans corps à enterrer, son fils Didier n’avait jamais pu faire le deuil de son père. Ici encore, le porteur du fantôme devait jouer son rôle de substitut…
Arthur Rimbaud ne mourra pas en Abyssinie où il s’était installé mais à l’hôpital de Marseille d’où partira son cercueil en direction de Charleville renfermant le corps de « M. Jean Rimbaud » comme l’indique le document ayant autorisé son transport.
Selon l’usage de l’époque, Rimbaud portait le dernier des prénoms qui lui avait été attribués à la naissance. Pour l’état civil, sa mère Vitalie Cuif avait probablement tenu à ce que ses fils reçoivent en premier lieu le prénom de son propre père « Jean  Nicolas » auquel elle était fortement attachée. Mais pour l’inconscient familial des Rimbaud, ils portaient d’abord et surtout l’identité de l’arrière-grand-père disparu… Ce même inconscient familial voyait donc en cette dépouille portant son nom celle de Jean Rimbaud enfin matérialisée.
Et pour faire bonne mesure… les funérailles d’Arthur seront organisées à la sauvette toujours au nom de « Jean Rimbaud » ainsi qu’en atteste le billet d’administration des pompes funèbres.

RIMBAUD LE DÉSERTEUR
Marguerite Brotte devait divorcer de Jean Rimbaud l’année suivant sa disparition avant d’épouser dès le lendemain un Danois nommé Fransen, désigné sur leur acte de mariage comme « déserteur étranger» (le Danemark étant alors en guerre contre la jeune République Française). Deux années plus tard cet homme mourait à l’hôpital à l’âge de 37 ans, le 23 août 1797.
Curieux hasard : c’est également un 23 août, en 1891, que Rimbaud revient à l’hôpital de Marseille où il avait été amputé peu avant. Il y mourra moins de trois mois plus tard âgé à son tour de 37 ans.
Autre étrange coïncidence : Rimbaud fut lui-même porté déserteur par les autorités militaires néerlandaises auprès desquelles il s’était engagé comme mercenaire (1876). A noter au passage la proximité géographique du Danemark et des Pays-Bas ! On sait par ailleurs qu’il allait, l’année suivante, faire une demande d’enrôlement dans la marine américaine et pousser à cette occasion la provocation jusqu’à se déclarer «déserteur du 47ème Régiment de l’armée française». Bien que ne précisant pas l’unité à laquelle il se disait avoir appartenu, c’est une allusion mordante que Rimbaud faisait là au 47ème Régiment d’Infanterie de Ligne dans lequel son père avait avec zèle -lui- servi les valeurs militaires.
Ne faut-il pas désormais porter un nouveau regard sur un autre détail également bien connu de la biographie du poète : alors que son infirmité l’exemptait définitivement des obligations militaires auxquelles il s’était jusque là dérobé, Arthur Rimbaud allait, jusqu’au seuil de la mort, être hanté par la crainte obsessive d’être envoyé en prison pour insoumission, s’estimant à ce titre réduit à l’expatriation définitive…

Fransen n’était pas un ancêtre direct de Rimbaud mais, nous précise Anne Camus, les charges mémorielles transmises au fil des générations sont avant tout liées aux chocs émotionnels vécus par nos ancêtres. Comment Marguerite et son fils Didier avaient-ils affectivement investi cet homme venu, de fait, remplacer Jean Rimbaud sur l’échiquier familial ? Comment avaient-ils dès lors vécu sa disparition ?
Ces questions restent posées, mais au vu de tous ces constats troublants, il apparait évident aux yeux de l’analyste, que le beau-père de Didier avait, quelle qu’en fut la raison, joué un rôle important pour marquer ainsi de son empreinte l’inconscient familial des Rimbaud.
Deux ans après la mort de son second mari, Marguerite devait épouser en troisièmes noces un forain colporteur « sans domicile fixe » précise leur acte de mariage. Il est saisissant de constater chez cette femme un aussi curieux penchant pour les hommes en errance… Comment s’étonner encore du goût prononcé de son arrière-petit-fils Arthur pour le vagabondage ?
Quoi qu’il en soit, cette aïeule, à l’évidence, n’eut pas une existence facile. Elle devait d’ailleurs finir ses jours dans la misère, logée par charité et vivant d’aumône, comme le précise son acte de décès.
Didier pour sa part ira exercer sa profession de tailleur dans le Jura où il se mariera à Dole en 1810. C’est précisément dans la branche maternelle de son épouse, Catherine Taillandier dont il aura quatre enfants, qu’il faut remarquer un cousin à qui, personne à ce jour, n’avait prêté attention.
Proche du couple, Antoine Pacouret -c’est son nom- devait pourtant jouer un rôle central dans la destinée de leur fils Frédéric né en 1814, le futur père d’Arthur.

RIMBAUD L’INSOUMIS
La famille à laquelle appartenait désormais Didier Rimbaud pouvait s’enorgueillir de compter dans ses rangs un héro de la Grande Armée. Le fantassin Antoine Pacouret avait en effet courageusement prit part à plusieurs des grandes expéditions napoléoniennes. Ce dévouement à l’Empereur lui avait d’ailleurs valu d’être blessé au bras et à la jambe et sa participation à la campagne de Russie, dont il était revenu vivant, n’était pas le moindre des ses exploits. Le glorieux combattant fut toutefois fait prisonnier en Bohême à l’été 1813. C’est donc dans un climat d’incertitude quant au devenir de ce parent que Didier et Catherine, à la fin de cette même année, conçurent leur troisième fils : Frédéric.
Or, nous apprend Anne Camus, au regard des logiques transgénérationnelles, les événements marquants survenus pendant la période de gestation ou au moment de la naissance d’un enfant laissent sur lui une inscription souvent déterminante. Les lois de l’inconscient familial vont donc investir ce petit-cousin à venir de la mission de succéder au valeureux Pacouret dont on ignorait à ce moment-là le sort.
Le moment venu, Frédéric Rimbaud, lourd du poids de sa lignée déshéritée, va bien en effet emboîter le pas de cette figure masculine valorisante…
C’est d’abord comme lui, à 18 ans qu’il s’engage dans le régiment d’infanterie auquel Antoine Pacouret avait lui-même appartenu. A son retour d’Afrique du Nord où il participa à la conquête de l’Algérie, il obtiendra, tout comme lui encore, la Légion d’Honneur se montrant ainsi à la hauteur de son modèle.
Mais s’il l’avait égalé, voire supplanté (il recevra, à l’âge de 37 ans, le grade de capitaine alors qu’Antoine Pacouret n’avait jamais dépassé celui de lieutenant), Frédéric Rimbaud n’avait toutefois pas payé, lui, de sa chair la défense de la patrie. Une « injustice » qui, explique Anne Camus, au regard des règles d’éthique relationnelle inscrites dans l’inconscient familial, va réclamer réparation. A charge pour la descendance de s’acquitter s’il le faut de cette « dette » !
Le Capitaine Rimbaud est fait chevalier de la Légion d’Honneur deux mois seulement avant la naissance de son second fils, Arthur. Ainsi symboliquement désigné pour faire à son tour honneur à son clan, c’est donc lui qui vient prendre le relai de ses deux valeureux prédécesseurs… Arthur le bien nommé qui va devoir entretenir dorénavant la légende du noble guerrier venu compenser les égarements passés de sa lignée.
Le jeune prodige eut très tôt une connaissance intuitive de ces revendications inconscientes. Du moins peut-on le supposer en lisant par exemple la traduction d’un vers qu’il glissa dans sa composition latine Jugurtha :
«Toi, mon fils, si tu peux triompher de la rigueur des destins, tu seras le vengeur de la patrie… »
Mais ivre de liberté et peut-être -pour ne pas dire surtout- nourri du ressentiment qu’un fils peut éprouver à l’égard de ce père qui l’a abandonné, Arthur Rimbaud, on le sait, refusera de s’acquitter de ce mandat transgénérationnel. L’honneur, pas plus que les honneurs, ne viendront donner un sens à sa vie.
Lui le pourfendeur des uniformes, le rebelle réfractaire à toute forme d’autorité, la défense de la patrie, on sait ce qu’il en pensait : « ma patrie se lève !... Moi j’aime mieux la voir assise : ne remuez pas les bottes ! c’est mon principe » (lettre à G. Izambard - août 1870)
Pourtant, le fils du capitaine Rimbaud se soumettra malgré tout aux règles de fidélité qui le liaient à son géniteur. Sans en avoir bien entendu la moindre conscience et au prix de tensions internes d’une extrême violence, il réglera son pas sur celui de ses devanciers les mimant parfois jusqu’à la caricature.
La guerre avait offert à la lignée Rimbaud des opportunités de rédemption, la guerre va donner à la vie d’Arthur une orientation décisive.
C’est bien en effet le climat de désordre engendré par la guerre franco-prussienne de 1870 qui favorise la première fugue de l’adolescent qui n’a pas encore 16 ans. Il est arrêté à son arrivée à Paris par la police qui va le déclarer « sans domicile ni moyen d’existence » avant de lui faire passer un court séjour en prison.
Au début de l’année 1871, la ville de Mézières vient d’être bombardée lorsqu’il quitte Charleville occupée. A Paris où il va passer quelques jours, la guerre civile couve et s’il ne participe pas à la Commune c’est dans une capitale encore vibrante de ces événements sanglants qu’il rejoint quelques mois plus tard Paul Verlaine...  La suite est connue de tous… Nous soulignerons ici que c’est un coup de feu, celui par lequel Verlaine blesse Rimbaud à l’avant-bras, qui précède de peu la fin de sa fulgurante et géniale carrière d’écrivain.
Il n’a pas encore 19 ans lorsqu’il achève le seul livre qu’il aura la volonté d’éditer : Une Saison en enfer où il nous dit avoir « vécu partout. Pas une famille d’Europe que je ne connaisse. »  A cette date, il connaît déjà Paris, Londres et Bruxelles mais c’est à partir de 20 ans, âge traditionnel de la conscription, que  ses voyages en Europe vont s’intensifier.
Il est bien sûr loin de se douter qu’en franchissant ainsi tant de frontières, il reproduit l’expérience qu’avait connue avant lui Antoine Pacouret, le Brave envers qui les Rimbaud avaient une dette. A l’imitation de cet autre venu s’incruster dans les coulisses de son inconscient, Arthur Rimbaud va parcourir des distances quotidiennes comparables aux marches forcées des armées napoléoniennes. Comme lui il va s’infliger des épreuves physiques invraisemblables, courir des risques insensés mettant quotidiennement à l’épreuve son endurance et sa force de volonté.
Première des destinations de cette nouvelle période de son existence : l’Allemagne en 1875… C’est précisément en Allemagne qu’Antoine Pacouret participa à sa première campagne au sein de la Grande Armée, celle qui devait aboutir à la victoire d’Ulm face aux Autrichiens le 20 octobre 1805. Rappelons que Rimbaud est né à Charleville, un 20 octobre, dans une rue qui s’appelait à l’époque : rue Napoléon !
De retour d’Allemagne, Rimbaud exprimera son intention d’aller se battre en Espagne alors agitée par une guerre civile… C’est son comportement pendant la guerre d’Espagne qui valut à Antoine Pacouret sa légion d’honneur. L’année suivante, Rimbaud voudra se rendre en Russie mais il sera dévalisé en Autriche et fera finalement demi-tour. Quelques semaines plus tard, il devait signer à Bruxelles son engagement dans l’armée néerlandaise déjà évoqué.
Arthur Rimbaud ne connaîtra donc pas comme l’ancêtre Pacouret la sévérité des hivers russes. Mais qu’à cela ne tienne, « la tourmente (risquant de l’) ensevelir sans trop d’efforts » (lettre à sa famille - novembre 1877), c’est en franchissant le col du Gothard enneigé qu’il en fera la dure expérience.  La description qu’il devait faire de son « exploit » n’est pas sans évoquer les récits de rescapés de la retraite de Russie…

RIMBAUD LE SACRIFIÉ
Ce sera sa dernière aventure européenne. Ses pas le mèneront finalement vers la corne de l’Afrique qui sera le théâtre des dix dernières années de sa vie qui vont le voir s’épuiser dans de vaines entreprises mercantiles. Seule l’aisance matérielle, pensait-il, pouvait désormais faire de lui un homme libre. Au rythme d’harassantes chevauchées, le voilà négociant prêt à tout pour faire fortune. La guerre, idéalisée et source de vertus avait autrefois sorti sa lignée de la misère, pourquoi n’assurerait-elle pas aujourd’hui son enrichissement ?
Mettant maintes fois sa vie en péril, le fils du Capitaine Rimbaud va profiter des troubles que connait alors l’Abyssinie pour vendre des armes…Mais cette entreprise n’aura pas le succès escompté. Il se sera imposé des fatigues aussi inouïes qu’inutiles et son corps va commencer à montrer des signes de souffrance.
Au mois de mai 1891, un cancer s’étant déclaré dans son genou droit, le coureur de chemins sera admis à l’hôpital de la Conception de Marseille dans la salle dite -amer détail- « des Officiers ». Il y sera amputé la semaine suivante et reviendra y mourir le 10 novembre 1891.
Il avait 37 ans. Il ne sera donc jamais capitaine comme le fut son père à cet âge précis pas plus qu’il ne deviendra père à son tour…
Le corps est un terrain d’expression de notre inconscient. Quel message a voulu transmettre celui d’Arthur Rimbaud mortellement touché au genou ? L’arrière-petit-fils de Jean le cordonnier adressait-il de la sorte un ultime et tragique signe à son aïeul défaillant ou faut-il diriger notre regard vers l’officier Frédéric Rimbaud, l’autre grand absent de l’histoire de cette lignée ?
Dans la dernière section de « Mauvais Sang », le poète avait théâtralisé sa mort - son suicide pourrait-on dire - sur un champ de bataille :
«  Feu ! feu sur moi ! […] Je me tue ! Je me jette aux pieds des chevaux ! » 
L’honneur militaire ne connait, il est vrai, qu’une limite : celle de la mort. S’il ne succomba pas au feu de l’ennemi, Arthur Rimbaud, sans le savoir, consentit malgré tout au sacrifice suprême. Par cette parodie de geste héroïque, le fils du Capitaine Rimbaud pouvait enfin prouver à celui qui lui avait donné la vie qu’il en était le digne héritier.

Arthur Rimbaud était contemporain de Freud né deux ans après lui. Lorsqu’il meurt, l’existence en chacun de nous d’une vie psychique inconsciente n’avait donc pas encore été révélée, pas plus bien sûr que la puissance des liens transgénérationnels. Mais Rimbaud le Voyant avait anticipé :
« C’est faux de dire : Je pense, on devrait dire On me pense (…) Je est un autre. »
Cette célèbre formule qu’il nous a léguée pourrait à elle seule résumer la puissance des liens qui nous attachent malgré nous à nos ancêtres. Osons aller à la rencontre de ces hommes et de ces femmes qui nous ont précédés, conclue Anne Camus. C’est en connaissant leur histoire que nous pouvons nous affranchir de son poids.

FIN